Les femmes, dans les productions picturales, ont, pendant longtemps été présentes comme modèles pour des artistes masculins. Mais, elles ont réussi au fil des siècles à faire valoir leurs talents.
L’histoire de l’art, la peinture, la sculpture semblent n’être qu’un fait essentiellement masculin où les femmes n’auraient eu qu’un rôle épisodique et marginal, cantonnées dans des genres dits mineurs. En est-il réellement ainsi ?
Dès l’Antiquité, les noms de grands artistes se révèlent ; on trouve la signature d’artistes peintres sur les vases grecs ou étrusques, mais on traverse plusieurs millénaires sans trouver un seul nom féminin. Pourtant rien n’exclut qu’il n'y ait pu y avoir un personnel artisanal féminin dans les boutiques, les échoppes produisant la céramique. Cela veut-il dire qu’il n’y eut jamais de créatrices ? Une des fresques de Pompéi nous prouve le contraire : non pas parce qu’on y trouve le nom d'une femme, mais parce que l’artiste y figure, assise et le pinceau à la main, occupée à peindre une fresque. Il ne nous reste qu’à en déduire que la production féminine fut occultée, non qu’elle n’ait pas existé.
On trouve la trace de femmes-peintres à partir du
Moyen Âge où leur présence dans les
ateliers d’enluminure est
attestée, telle cette Jeanne de Montbaston,
épouse d’un copiste parisien au XIVe siècle,
Richard de Montbaston (voir : Atelier
de Jeanne et Richard de Montbaston).
Pendant la Renaissance,
de nombreux peintres enseigneront leur art à leurs filles
qui seront des assistantes parfois très
précieuses mais ne pouront accéder à
un statut d'artiste à cause de la structure du monde des
arts - les académies étaient, pour autant qu'on
le sache, interdites aux femmes - et peut-être aussi du fait
que les commandes émanaient, pour la plupart, de
l'Église. On sait que Véronèse
ou Tintoret
ont eu des filles très talentueuses, mais il ne sera jamais
possible de savoir ce qui est de leur main dans les peintures
attribuées à leurs pères respectifs.
C'est donc l'accession à la reconnaissance, plus encore que
l'accession au métier de peintre, qui fut longtemps
refusé aux femmes.
À la fin de la Renaissance, Sofonisba
Anguissola, d'origine sicilienne, devint peintre officielle
de la cour d'Espagne. Ce qui n'est pas maigre reconnaissance.
Catherine Girardon
fut la première femme admise à l'Académie
royale de peinture et de sculpture en 1663, soit 15 ans
après sa création. Élisabeth-Sophie
Chéron le sera à son tour en 1672 en tant
que portraitiste.
Rosalba Carriera,
peintre italienne, lança la mode du pastel lors de son
passage à Paris en 1720.
Par la suite, quelques noms de femmes-peintres restent dans
l’histoire, comme ceux de Élisabeth
Vigée-Lebrun ou d’Artémisia
Gentileschi, mais ils apparaissent peu dans les manuels
d’histoire de l’art. On cantonne
généralement les femmes à des genres
limités : le foyer, les enfants,
l’intimité familiale, et naturellement, les
fleurs. Si elles sortent de ces genres qui leur sont
assignés comme par nature, on s’attache davantage
à une vie retenue scandaleuse, comme pour Artemisia
Gentileschi, qui fut une grande artiste, vivant de son travail de
peintre. Élisabeth Vigée-Lebrun souffrit quand
à elle d'une réputation tout à fait
imméritée de femme facile à qui on
prêtait tous les amants possibles.
Citons aussi Marie-Guillemine
Benoist, élève de
Vigée-Lebrun, dont le tableau Portrait d'une
négresse réalisé
à la fin de la Révolution
fut considéré comme un manifeste de
l'émancipation féminine et des esclaves. Elle dut
malheureusement abandonner sa carrière lorsque son mari
obtint un poste de ministre à la Restauration.
À la même époque, Anne
Vallayer-Coster connu le succès, mais son art est
maintenant oublié.
Elles sont pourtant de plus en plus nombreuses
jusqu’à nos jours à percer dans cette
voie, non sans difficultés : ce domaine leur est
encore plus fermé que celui de
l’écriture, et l’Académie des
Beaux-Arts leur restera longtemps interdite, de même
qu’il leur fallait une dispense pour passer un
baccalauréat ou entrer dans une université. Et,
quand elles enfreignent les limites des genres mineurs qu’on
leur concède, elles font figure d’artistes
maudites comme Camille Claudel qui
osa opter pour la sculpture, considérée domaine
masculin par excellence plus encore que la peinture. On la refusa de
son vivant, mais une fois morte on mit ses œuvres au
musée à côté de celle de Rodin,
cause principale de sa déchéance.
Á ce propos, il semble que la sculpture ait
été encore un peu plus défendue aux
femmes que ne l'a été la peinture et deux
anecdotes fameuses en attestent. Anne Whitney (1821-1915), a
reçu une commande officielle pour exécuter le
portrait de l'abolitioniste Clark Sumner ; Lorsque la
commission apprit qu'elle était une femme, le contrat fut
rompu. Quand à Harriet Hosmer (1830-1908), on l'accusait
(comme on l'avait fait pour Camille Claudel), d'exposer les travaux de
son professeur sous son nom à elle.
Suzanne Valadon est d’abord la mère d’Utrillo ; on ne s’intéresse qu’en second lieu à ses œuvres. Sonia Delaunay est d’abord l’épouse de Robert Delaunay.
Mary Cassat est l’amie de Degas, on oublie la délicatesse de ses toiles ; le talent d’une femme étant toujours minimisé, rarement évalué à sa juste valeur.
Rosa Bonheur, issue d’un milieu modeste trouve son style dans la peinture animalière mais y excelle. «Elle peint comme un homme» a-t-on pu dire d'elle, ce qui signifiait lui reconnaître son talent, sous-entendant qu'une femme ne puisse pas en avoir. Rosa Bonheur sera la première femme distinguée par la Grand-Croix de la Légion d'Honneur (1894). L’histoire de l’art retiendra cependant davantage un Millet dont l’Angélus se trouvera facilement, en reproduction à bon marché, dans les demeures provinciales de la première moitié du XXe siècle.
Berthe Morisot enfin, est une figure emblématique de l’art dit « féminin », tranquille et intimiste.
Il faut attendre le XXe siècle pour voir les femmes se dédier à la peinture en abordant tous les sujets sans que cela fasse scandale. Avec Léonor Fini le monde de la peinture leur est enfin ouvert, et permis.